Il est fréquent qu'une entreprise française fasse appel aux services d'un non-résident fiscal français. Cette situation peut se présenter notamment dans le cadre d'une mobilité intra-groupe mais pas nécessairement. Du point de vue de la technique fiscale, on parle alors d'impatriation.
De nombreuses questions fiscales se posent dans ce type de situations. Le salarié pourra-t-il toujours être considéré comme un non-résident fiscal français après sa prise de fonction? Cette question a déjà été abordée précédemment dans l'article comment devenir non-résident fiscal français. Dans la négative, existe-t-il un ou des mécanismes permettant de limiter la fiscalité applicable?
Cet article a pour but de faire un point dans cette dernière hypothèse.
Exonération liée à l'impatriation en France : En quoi cela consiste ?
L'article 155 B du Code Général des Impôts permet aux salariés venant travailler en France de bénéficier de plusieurs exonérations d'impôt sur le revenu :
une exonération de la prime d'impatriation octroyée par l'entreprise aux salariés en contrepartie de sa venue en France. Cette prime peut, sur option, être évaluée forfaitairement à 30 % du montant de la rémunération nette
une exonération liée à l'activité exercée à l'étranger
une exonération à hauteur de 50 % du montant de certains revenus "passifs" perçus à l'étranger (dividendes, plus-values, etc.)
Comment le non-résident peut-il bénéficier de ces exonérations?
Condition n°1 : Avoir été "appelé de l'étranger"
Ce dispositif s'adresse aux non résident appelées par une entreprise étrangère auprès d'une entreprise établie en France (cas de la mobilité intra-groupe) ainsi qu'aux personnes recrutées directement à l'étranger par une entreprise établie en France.
Au moment du recrutement, les personnes concernées peuvent donc, par exemple, déjà être employées dans une entreprise établie à l'étranger, exercer une activité à titre indépendant ou ne pas avoir d'activité (étudiants accédant à un premier emploi par exemple).
Le salarié (ou le dirigeant) devra donc être en mesure d'apporter la justification que, lorsqu'il a été recruté, son domicile réel était toujours fixé à l'étranger et qu'il ne l'avait pas déjà transféré en France. Cette justification peut résulter de multiples documents : pièces justificatives des contacts avec l'entreprise, justificatifs de domiciliation, justificatifs des déplacements effectués, situation familiale etc.
La question s'est posée de savoir si le salarié devait prouver, conformément à la lettre du texte, qu'il a été à proprement parlé "appelé" par une entreprise française (comprendre "sollicité par une entreprise"), ou bien s'il suffit qu'il ait postulé à une offre émise. La doctrine de l'administration fiscale refuse de reconnaître une quelconque exonération dans ce dernier cas.
La cour administrative d'appel de Paris a toutefois contredit cette position dans un arrêt du 10 juin 2022 (CAA Paris 10-6-2022 n° 20PA02279).
La cour a en effet jugé qu'un développeur de systèmes informatiques domicilié à l'étranger lorsque se sont engagées les négociations en vue de son recrutement par une société établie en France et de son installation en France avec son épouse peut bénéficier du dispositif de l'article 155 B du CGI, alors même qu'il n'établit pas que son recrutement résulterait exclusivement d'une initiative de l'entreprise française.
Condition n°2 : Ne pas avoir été résident fiscal pendant une certaine durée précédant la prise de fonction
Le salarié ne doit par ailleurs pas avoir été fiscalement domicilié en France au cours des cinq années civiles précédant celle de sa prise de fonctions (voir l'article comment devenir non-résident fiscal français pour plus d'informations à ce sujet).
Condition n° 3 : être salarié ou un dirigeant "assimilé salarié"
Outre les salariés, les personnes éligibles sont l'ensemble des dirigeants qui, mentionnés à l'article 80 ter, b-1°, 2° et 3° du CGI, leur sont fiscalement assimilés. Il s'agit :
- dans les sociétés anonymes, du président du conseil d'administration, du directeur général, du directeur général délégué, de l'administrateur provisoirement délégué, des membres du directoire ainsi que de tout administrateur ou membre du conseil de surveillance chargé de fonctions spéciales. Il en est de même dans les sociétés par actions simplifiées (SAS), en application du principe d'assimilation de la SAS à la SA posé, pour l'application des dispositions du CGI et de ses annexes, par l'article 1655 quinquies de ce Code ;
- dans les SARL, des gérants minoritaires ou égalitaires ;
- dans les autres entreprises ou établissements passibles de l'impôt sur les sociétés, des dirigeants soumis au régime fiscal des salariés.
Condition n° 4 : durée du contrat
Aux termes de l'article 155 B du CGI, sont concernés par le régime les salariés et dirigeants appelés à occuper un emploi dans une entreprise établie en France pendant une période limitée.
La doctrine administrative, opposable à l'administration fiscale, est cependant plus favorable. L'administration précise, en effet, que peuvent bénéficier du régime spécial d'imposition prévu à l'article 155 B du CGI, les salariés et dirigeants appelés à occuper un emploi pendant une durée déterminée ou indéterminée dans une entreprise établie en France. Reste à voir si le législateur reviendra sur cette condition.
Combien de temps dure cette exonération?
Ce dispositif est applicable jusqu'au 31 décembre de la huitième année suivant celle de la prise de fonctions en France des bénéficiaires.
Si la date de prise de fonctions est antérieure au 6 juillet 2016, l'exonération est applicable jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la prise de fonctions en France.
Cette exonération est-elle limitée?
Oui. Pour éviter des situations d'abus évidentes, telles que le versement d'un salaire de base réduit et d'une prime d'impatriation importante, un plafonnement de l'exonération existe.
En effet, si le salaire de référence pour des fonctions analogues dépasse le montant de la rémunération hors prime d'impatriation, la différence ne peut bénéficier de l'exonération.
En outre, un autre mécanisme assez complexe du plafonnement de l'exonération s'applique, nécessitant un choix du salarié.
En effet, sur option des salariés et dirigeants impatriés :
- soit l'ensemble de la rémunération exonérée est limité à 50 % de la rémunération totale ;
- soit seule la fraction de la rémunération exonérée se rapportant à l'activité exercée à l'étranger est limitée à 20 % de la rémunération imposable de l'intéressé, nette de la prime d'impatriation.
Le choix du plafonnement résulte chaque année d'une option du contribuable.
Exemple :
Un cadre, employé par une entreprise établie en Suède et n'ayant pas été fiscalement domicilié en France depuis au moins le 1er janvier N − 5, est détaché par son employeur dans une entreprise établie en France à compter du 1er janvier de l'année N. Il est amené à effectuer régulièrement des déplacements à l'étranger.
Sa rémunération annuelle nette au titre de l'année N est de 220 000 €, dont :
- 130 000 € correspondant à une prime d'impatriation ;
- 30 000 € correspondant à son activité exercée à l'étranger.
La « rémunération de référence » en France est de 100 000 €.
Détermination du montant de l'exonération d'impôt sur le revenu au titre de l'année N
a. Prime d'impatriation (CGI art. 155 B, I-1)
Compte tenu du montant de la rémunération de référence, la prime d'impatriation n'est susceptible d'être exonérée que dans la limite de 120 000 €. Le solde (10 000 €) est imposable. À défaut, le salaire imposable de l'impatrié (90 000 €), avant prise en compte de l'exonération de la part de l'activité exercée à l'étranger, serait inférieur au « salaire net comparable » (100 000 €).
b. Part de la rémunération correspondant à l'activité exercée par l'intéressé à l'étranger (CGI art. 155 B, I-2)
La part de la rémunération correspondant à l'activité exercée par l'intéressé à l'étranger est susceptible d'être exonérée à hauteur de 30 000 €.
c. Plafonnement (CGI art. 155 B, I-3)
- Option 1 : plafonnement global
Le montant de la rémunération susceptible de bénéficier de l'exonération avant plafonnement est de 150 000 € (120 000 € + 30 000 €).
Le montant de l'exonération ne peut toutefois excéder 110 000 € (220 000 € × 50 %).
En cas d'option 1, le cadre impatrié est exonéré d'impôt sur le revenu à hauteur de 110 000 €.
- Option 2 : plafonnement de la rémunération correspondant à l'activité exercée à l'étranger
Le montant de la rémunération imposable hors prime d'impatriation exonérée est de 100 000 € (220 000 € − 120 000 €).
La part de la rémunération correspondant à l'activité exercée par l'intéressé à l'étranger susceptible d'être exonérée est limitée à 20 000 € (100 000 € × 20 %).
En cas d'option 2, le cadre impatrié est exonéré d'impôt sur le revenu à hauteur de 140 000 € (120 000 € + 20 000 €).
Conclusion : le contribuable a intérêt dans cette hypothèse à choisir l'option 2.
Ainsi, ce choix doit être mûrement réfléchi par le salarié car il présente un enjeu financier qui peut être considérable.
Cette réflexion est d'autant plus nécessaire qu'il existe par ailleurs d'autres dispositifs fiscaux, tel que le dispositif propre cette fois aux salariés expatriés et non impatriés. Or, il est parfois préférable pour le salarié d'opter plutôt pour ce dernier dispositif.
Pour toute demande de consultation, notamment à distance, vous pouvez contacter directement Me Nicolas Rozenbaum en cliquant ici.
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